Huguette de Broqueville avec un B comme Bécasse…

Le texte de Jean Jauniaux, président de PEN Belgique, en hommage à Huguette de Broqueville :

« Si elle avait été anglaise, on l’aurait qualifiée d’excentrique. Mais elle est belge, donc bien davantage que simplement excentrique. Les qualificatifs se bousculent à la simple évocation de son nom, une fois que nous avons apprivoisé la part d’Histoire à laquelle le nom de Broqueville est associé en Belgique.

J’ai eu l’occasion de rencontrer Huguette de Broqueville dans différents contextes : réceptions (où elle ne s’épargnait aucun contact pour plaider la cause des écrivains prisonniers), rencontres littéraires (mon excellent collègue Edmond Morrel regrettera à jamais de n’avoir pas réussi à l’interviewer), animation des séances de Pen Club dont elle fut une infatigable présidente, jury littéraires (où nous étions souvent voisins ce qui me permettait, lorsque sa vue est devenue défaillante, de l’aider à gérer les notes qu’elle avait inscrites dans son iPad). Il n’est pas un seul de ces moments où je n’aie admiré l’énergie, l’entregent, la gentillesse, l’attention mais aussi l’humour, l’esprit de provocation et la fausse naïveté de Huguette de Broqueville. Voilà pour l’environnement social. Je l’ai aussi connue à travers les nouvelles qu’elle envoyait, avec une régularité journalistique, à la revue Marginales. En ma qualité de Rédacteur en Chef, j’étais le premier destinataire et lecteur des récits qu’elle concoctait à partir des thématiques imposées par la revue. Chaque trimestre, sans désemparer, le personnage de petit reporter qu’elle avait créé, la Bécasse, sillonnait le monde pour dénoncer ici une injustice, là déplorer une défaite de l’intelligence, ailleurs s’indigner de la bêtise humaine. J’attendais avec impatience de découvrir les expéditions de ce personnage dont elle était l’inspiratrice et le double. Je me souviens de cette surprise que m’occasionnait, chaque fois, l’angle d’attaque qu’adoptait Huguette pour aborder, après l’avoir attentivement survolé comme un oiseau de proie aux aguets, chacun des sujets proposés. Ainsi en arrivait-elle parfois à inventer de nouvelles grilles d’analyse du monde, comme par exemple, en concluant une nouvelle parue en décembre 2014, un an avant son décès, dans la revue Marginales, « Le vol de la bécasse au dessus d’un nid de coucou ». Le texte m’est envoyé en grands caractères, je devine la difficulté « technique » qu’a dû surmonter Huguette dont la vue s’affaiblissait. Mais je souris de l’alacrité et de la vivacité de cette bécasse qui a bien mérité de son journal, intitulé « Le sacré Peuple ».

Sacrée Huguette !

Tu nous as quittés le 10 novembre 2015, mais le regard perçant de la bécasse ne cesse de nous inviter à la vigilance, celle que la littérature permet, celle dont tu nous as montré l’exemple.»

Jean Jauniaux

Président de PEN Belgique