« Prison à vie »: sentence que risque Asli Erdogan au terme du procès qui s’est ouvert le 29 décembre 2016

Ce 29 décembre s’est ouvert à Istanbul le procès d’Asli Erdogan et de huit de ses co-détenus.

Asli Erodgan encourt une peine de prison à vie pour avoir écrit dans un journal pro-kurde (Özgür Gündem). Elle y dénonçait les atteintes à la liberté d’opinion. Asli Erdogan est membre d’honneur de PEN Club Belgique, le centre belge francophone de PEN International. Sur le banc des accusés se trouvaient aussi la linguiste Necmiye Alpay, 70 ans, les journalistes Inan Kizilkaya et Zana Kaya et cinq autres intellectuels, qui ont échappé à la police turque. Ces derniers seront jugés par contumace. Le procès se tient à la 23e chambre de la cour d’assises du palais de justice de Cagayan, une salle de 30 places, trop petite pour que puissent y assister les représentants des associations des droits de l’homme, les journalistes, les diplomates étrangers, les amis ou les parents.

«Je suis un écrivain, ma raison d’être est de raconter. […] Je me suis toujours opposée à la violence, d’où qu’elle vienne, et on m’a mise dans le sac PKK/KCK parce que j’ai écrit des textes centrés sur l’humain. […] Je n’ai jamais écrit une seule ligne sur l’organisation terroriste PKK. Je suis seulement une écrivaine. En dehors de mes écrits, je ne suis responsable de rien », se défendait Asli Erdogan lors de son procès.

Justement dans un de ses écrits, Le bâtiment de pierre, elle écrivait : «En cheminant dans les méandres déserts du bâtiment de pierre, au long des couloirs secrets enfouis dans une pénombre bleutée, en franchissant des portes qui s’ouvrent et se referment promptement sans retour possible, comme des tourniquets, tu atteins le coeur du labyrinthe. Un coeur vaste, bien réel, dur comme un coup de poing. C’est une salle vide, froide, blanche, comme une pierre tombale, semblable à toutes les salles verrouillées de ta mémoire.» (Actes Sud, traduction de Jean Descat) Ce bâtiment de pierre désigne la prison de Bakırköy à Istanbul dans laquelle la romancière était incarcérée depuis le 16 août.

Ce 29 décembre, Asli Erdogan, la traductrice Necmiye Alpay et Zana Bilir Kaya, ancien rédacteur en chef du journal interdit, ont obtenu une liberté conditionnelle avant la reprise de leur procès pour appartenance à une organisation terroriste le 2 janvier. PEN Club Belgique ne crie pas victoire et reste vigilant. En effet, à l’heure où certains quittent les geôles, d’autres y restent ou y entrent encore, comme le journaliste Ahmet Sik aujourd’hui même. Ne les oublions pas.

Un recueil des chroniques de Asli, écrites pour le quotidien désormais fermé par décret et traduites en français, sera publié début janvier par sa maison d’édition, Actes Sud, sous le titre Le Silence même n’est plus à toi. Le volume n’a pu paraître fin septembre en Turquie, son éditeur ayant reçu des menaces de poursuites.

Et, ce 29 décembre, à Bruxelles, capitale de l’Union européenne, le ciel est bleu et nous pouvons le voir; l’air est glacé, et nous pouvons le respirer.

Jean Jauniaux

Ecrivain