Turquie: un procès inéquitable se poursuit

L’audition de lundi dernier, ce 11 septembre 2017 au procès du quotidien turc Cumhuriyet, prouve une nouvelle fois la dégradation de l’indépendance de la magistrature en Turquie, compromettant ainsi l’État de droit et le droit à un procès équitable, ont déclaré PEN International, PEN Vlaanderen, Norsk PEN, PEN Svizzera Italiana e Retoromancia et PEN Suisse Romande, présents au procès.

«L’audience de ce jour a démontré que les journalistes ne sont plus en mesure de bénéficier d’un procès indépendant, impartial ou efficace dans les tribunaux turcs», a déclaré Sarah Clarke, observatrice au procès pour PEN International. Jørgen Lorentzen de Norsk PEN et Maria Emilia Arioli de PEN Svizzera Italiana e Retoromancia et PEN Suisse Romande, ont exhorté la Cour européenne des droits de l’homme à prendre des mesures urgentes en vue d’obtenir justice pour les journalistes de Cumhuriyet comparaissant, rappelant «qu’ ils sont détenus depuis plus de 300 jours sur base d’accusations considérées comme absurdes et infondées : ils n’ont fait que leur travail et ont exercé leur droit à la liberté d’expression».

L’audience de lundi, qui a duré plus de douze heures, a eu lieu dans la prison de Silivri et non au centre d’Istanbul, cela afin d’empêcher toute manifestation et l’observation du procès. Aucun équipement électronique n’était autorisé au palais de justice de la prison, empêchant ainsi le recours aux médias sociaux largement utilisés lors de la première audience en juin. De plus, le renforcement des forces de l’ordre armées a contribué à une atmosphère d’intimidation. Néanmoins, un grand nombre d’observateurs d’organisations internationales et nationales défendant la liberté de la presse étaient présents y compris PEN International, PEN Vlaanderen, Norsk PEN, PEN Svizzera Italiana e Retoromancia et PEN Suisse Romande.

L’audience du 11 septembre s’est concentrée sur un certain nombre de témoignages ainsi que le témoignage d’un expert. Un certain nombre d’entre eux ont déclaré que leurs témoignages avaient été repris hors contexte dans l’acte d’accusation à l’encontre des collaborateurs du journal. En outre, aucune preuve concrète n’a été produite pour étayer les allégations des procureurs concernant l’utilisation d’une application de cryptage.

« Nombre de preuves recueillies contre ces personnes et utilisées pour soutenir l’acte d’accusation reposent sur des faits de la vie quotidienne, comme payer un charpentier pour poser un nouveau plancher dans votre maison, appeler un restaurant pour commander des pains ou encore contacter une agence de voyage pour planifier des vacances en famille. Nous ne pouvons qu’en déduire que la véritable raison pour laquelle ces personnes sont maintenues si longtemps en prison, avec si peu de preuves, est de les tenir à l’écart de leur métier de journalistes. » a déclaré Isabelle Rossaert, Vice-Présidente de PEN Vlaanderen et présente aux audiences de juin.

À un moment donné, à l’audience du 11 septembre,  l’avocat d’Ahmet Şik – emprisonné à plusieurs reprises sur de fausses accusations à cause de ses révélations au sujet de corruptions et de violation des droits de l’homme en Turquie –  a déclaré que le travail de son client ressemblait à celui de Sisyphe. Sur quoi, le Président de la Cour lui a répondu: «Nous vous remercions pour cette leçon d’histoire, mais souvenez-vous de ce qui est arrivé à Icare.» Rappelons que Şik a remporté une victoire marquante contre la Turquie à la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’une de ses précédents périodes de détention arbitraire. «De tels commentaires provenant de la Cour prouvent la partialité de la magistrature», a déclaré Sarah Clarke, de PEN International.

En dépit de l’insistance des avocats de la défense sur le caractère fallacieux des accusations et la fragilité ou l’absence de preuves convaincantes, les juges dans leur verdict provisoire, rendu à 23h30, ont refusé de libérer les détenus, avec une voix divergente au sujet du journaliste Kadri Gursel.

« En plus de porter atteinte au droit à la liberté d’expression et aux autres droits de l’homme, y compris le droit à un procès équitable et la protection contre la détention arbitraire, la détention prolongée de ces journalistes et des autres a pour effet collatéral regrettable de diviser et de faire taire les membres des communautés turques à l’étranger ayant encore de la famille au pays », a déclaré PEN Belgique qui rappelle l’initiative commune avec le quotidien belge Le Soir et PEN Vlaanderen de publication autour de ce procès.

La communauté internationale PEN continuera de suivre de près le procès et les événements en Turquie.

Pour plus d’informations, contactez Laurens Hueting au PEN International, Koops Mill, 162-164, Abbey Road, Londres, SE1 2AN, Royaume-Uni. Téléphone: +44 (0) 20 7405 0338 Fax +44 (0) 20 7405 0339 e-mail: laurens.hueting@pen-international.org