Soutien à PEN Club Haïti

Solidarité /Appel de détresse provenant d’Haïti

Nous souhaitons relayer à toutes les autorités régionales, communautaires et fédérales de Belgique, aux citoyens de notre pays, ainsi qu’aux institutions de l’Union européenne et au Secrétariat des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) installés à Bruxelles, l’appel de détresse lancé au monde par notre association-sœur Pen Club d’Haïti.

Dans leur appel, les écrivains d’Haïti réclament la démission du président Jovenel Moïse en invoquant la vacance de pouvoir actuelle. Plus rien ne fonctionne depuis plus d’une semaine : le président se cache, le gouvernement et les services publics sont aux abonnés absents, le commerce, les activités industrielles, les écoles, les hôpitaux etc.. sont bloqués. Des manifestations quotidiennes ont lieu dans tout le pays. Les manifestants issus des milieux populaires exigent violement la fin d’un régime qui a augmenté leur misère et se radicalisent entrainant une répression d’un pouvoir corrompu contre la population.

Aujourd’hui, toutes les instances de la vie d’Haïti, des partis de l’opposition, aux syndicats, au secteur privé, aux milieux académiques, aux ONG locales, aux représentants de tous les cultes, aux institutions des droits humains, aux collectifs d’artistes et d’intellectuels etc..demandent la démission du président. Il est accusé de corruption par un rapport de la Cour supérieure des comptes.

Devant l’anarchie qui s’installe en Haïti, les intellectuels haïtiens demandent entre autres et conformément à la Constitution du pays, la mise sur pied d’un gouvernement de transition orientant son action vers la réduction des inégalités et des mesures immédiates pour atténuer les souffrances des plus démunis. Malheureusement, des grandes puissances des Amériques ont pris, pour des considérations géostratégiques, le parti du président et le soutiennent contre son peuple.

Le droit international est en train d’évoluer et le « devoir d’ingérence » permet dorénavant aux citoyens du monde entier d’approcher les autorités de leurs pays afin qu’elles demandent à l’ONU de faire respecter (si nécessaire par la force) le droit humanitaire pour secourir le peuple haïtien en danger de mort. En effet, après le tremblement de terre dévastateur de 2010 qui a causé 280 000 morts en Haïti (principalement les cadres et l’élite de la société), 300 000 blessés et 1,3 million de sans-abris, il s’en est suivi une série de cataclysmes (cyclones ultra-violents, épidémie ravageuse de choléra importé etc…) qui ont laissé ce pays exsangue.

La poursuite du blocage politique actuel met donc littéralement la population haïtienne en danger de mort. C’est la raison principale du soutien de Pen Club Belgique à l’appel de détresse de nos frères et sœurs écrivains haïtiens du Pen Club Haïti !

Le texte en référence est reproduit ci-dessous. Vous pouvez également vous référer à l’appel lancé par PEN Club Haïto le 15 juin 2019 : https://pen-international.org/fr/nouvelles/haiti-lettre-ouverte-des-ecrivaines-et-escrivains-haitiens-a-la-nation

Le texte de l’Appel au monde lancé par les écrivains haïtiens le 2 octobre 2019 :

« Choisir entre un peuple et un président »

            Nous, écrivains haïtiens, en écho à une pétition qui avait été initiée par le Centre Pen Haïti à la date du 15 juin 2019, attirons l’attention des citoyens du monde sur la situation haïtienne. Suite à l’élection de Jovenel Moïse à la présidence d’Haïti, avec un très faible taux de participation, moins de 20 % des électeurs potentiels, le président et son parti le PHTK, bénéficiant d’une majorité parlementaire écrasante, ont géré les affaires du pays de manière telle qu’aujourd’hui toutes les instances de la vie nationale, les représentants de tous les cultes, les institutions de défense des droits humains, les professeurs des universités, des collectifs d’artistes et d’intellectuels, les partis de l’opposition toutes tendances confondues, les syndicats, des associations du secteur des affaires, réclament leur démission. Le président est accusé de corruption par un rapport de la Cour supérieure des comptes.

            La jeunesse et le peuple haïtien dans son ensemble réclament la tenue du procès Petro Caribe autour de la disparition de plus de trois milliards de dollars. Depuis plus de sept mois, le président et le Parlement n’ont pas pu installer un gouvernement dans les conditions exigées par la Constitution. Privée de tout soutien institutionnel, la population a recours depuis des mois à des manifestations auxquelles le président n’a répondu que par le silence et la répression. Dans Port-au-Prince et les principales villes de province, c’est au quotidien des heurts entre des centaines, voire des milliers de manifestants et des individus en uniforme de police, souvent encagoulés. Des journalistes ont été blessés par balle. Des militants politiques sont ciblés, et des arrestations arbitraires ont lieu. En réaction, les manifestants se radicalisent. Le lundi 30 septembre, la répression policière a été particulièrement musclée contre les manifestants issus des milieux populaires. On a vu des policiers forcer des citoyens à ramper comme des bêtes, puis en embarquer un certain nombre pêle-mêle à l’arrière d’un pick-up.

            Il n’y a pas de réconciliation possible entre le peuple haïtien et la présidence de Jovenel Moïse/PHTK

            Le président et le PHTK sont décriés pour n’avoir fait qu’un usage personnel du pouvoir politique. Aux yeux du pays, ils représentent corruption, répression et exclusion. Le président est dans l’impossibilité de se présenter à la population sans être caillassé et conspué. Toutes les activités du pays sont bloquées depuis plus d’une semaine. Rien ne fonctionne. Commerce, écoles, hôpitaux, services publics. Une population vivant déjà dans la pauvreté souffre ainsi de privations qui ne peuvent conduire qu’à une plus grande radicalisation. Le seul moyen pour le président fugitif de rester au pouvoir, c’est d’utiliser la police nationale comme arme de répression politique et d’utiliser les ressources publiques comme source de financement pour la répression contre la population. Ses appels tardifs à la négociation ont été rejetés par l’ensemble des secteurs organisés de la vie nationale.

            La demande du peuple est claire : la démission du président et de ce qu’il reste du Parlement ; l’installation d’un gouvernement de transition orientant son action vers la réduction des inégalités, des mesures immédiates pour atténuer les souffrances des plus démunis ; la tenue de procès contre tous les actes de corruption dont sont coupables les dignitaires du PHTK ; la tenue d’une conférence nationale (les appellations varient) sur les problèmes du pays et le chemin à prendre pour l’engager vers l’équité républicaine. Nous le disons au monde : il n’y a pas de réconciliation possible entre le peuple haïtien et la présidence de Jovenel Moïse/PHTK. Le seul support dont bénéficie ce pouvoir décrié lui viendrait de puissantes ambassades étrangères. C’est au prix du sang du peuple, de la radicalisation, de la violence répressive que Jovenel Moïse resterait au pouvoir. Nous en appelons aux citoyens du monde afin qu’ils soutiennent la cause haïtienne. L’humanisme demande aujourd’hui de choisir entre un peuple et un président, entre un peuple et ses bourreaux.

Les signataires : Kettly Mars, Anthony Phelps, Lyonel Trouillot, Evains Wèche, Yanick Lahens, Évelyne Trouillot, Mehdi Chalmers, Gary Victor, Faubert Bolivar, Jocelyne Trouillot-Lévy, Frankétienne, Marie-Andrée Étienne, Guy-Gérald Ménard, Jean-Robert Léonidas, Louis-Philippe Dalembert, James Noël et Joël Des Rosiers.