PEN Belgique en deuil : Jacques De Decker nous a quitté

Jacques De Decker est décédé ce 12 avril 2020.

Ecrivain, romancier, essayiste, nouvelliste, dramaturge, journaliste et académicien, Jacques De Decker était un humaniste, attentif autant au monde littéraire et culturel qu’aux événements de l’actualité internationale qu’il analysait avec l’intelligence d’une érudition sans limites, mais aussi avec le recul que permet l’écriture littéraire, et l’indépendance d’esprit d’un homme qui dévorait la presse internationale en quatre langues qu’il maîtrisait parfaitement.  Il avait fait de la revue MARGINALES, à la direction de laquelle il avait succédé à l’écrivain Albert Ayguesparse, un instrument innovant d’observation du monde. Chaque trimestre depuis 1998, il invitait les écrivains à aborder par la littérature un sujet imposé que lui inspiraient les événements socio-politiques qui secouaient à leurs échelles respectives la Belgique, l’Europe, le monde. Chacun des 70 éditoriaux qui ouvraient la revue ouvrait le réflexion du lecteur selon un angle neuf, et éclairait l’actualité d’une manière originale. Sa mort soudaine survient alors que nous mettions au point le nouveau numéro de la revue, à paraître à la fin du confinement, et que je préparais pour fêter ses 75 ans, un  numéro hors-série qui rassemblera l’ensemble des éditoriaux qu’il a magistralement composé depuis septante numéros.

Son infatigable vocation de défendre la littérature, l’art, la culture, les valeurs humanistes l’a naturellement conduit à intervenir comme expert au niveau européen. Il avait entre autres fait partie d’un groupe de réflexion réunissant des écrivains de tous horizons que la Commission européenne avait chargé de réfléchir au défi du multilinguisme dans l’Union européenne. Amin Maalouf qui participait aux travaux de ce groupe m’adressait dans un message d’hommage à Jacques De Decker un témoignage de la manière dont ce dernier animait les séances de travail : Pendant plusieurs mois, nous nous sommes réunis, à intervalles réguliers, avec six ou sept autres personnes venues de divers pays de l’Union, pour réfléchir ensemble à des solutions imaginatives permettant de gérer la multiplicité des langues. Ce fut un véritable plaisir de travailler sur cette question avec Jacques. Plutôt que de se perdre dans des arguties stériles, nous avions le sentiment de bâtir ensemble un édifice auquel chacun apportait à son tour une pierre, puis une autre. A l’issue de nos réunions successives, nous avions produit un rapport intitulé : « Un défi salutaire. Comment la multiplicité des langues pourrait consolider l’Europe ». Ce travail a été pour Jacques comme pour moi un grand moment de réflexion commune sur l’Europe, sur les langues, sur l’identité. Et un grand moment d’amitié.

Le centre belge francophone de PEN international a toujours pu compter sur son soutien. Jacques De Decker avait ouvert à PEN Belgique les portes de l’Académie royale de langue et littérature française de Belgique, dont il était le Secrétaire perpétuel. Nous pouvions ainsi y accueillir lors des rencontres littéraires de PEN Belgique d’éminentes figures de la littérature francophone et internationale. Les échos de ces rencontres littéraires figurent sur ce site. Jacques De Decker était un hôte attentif et prévenant que retrouvaient avec bonheur des personnalités comme Andréi Kourkov, Florence Noiville, Jean-Daniel Baltassat, Maurizio Serra (peu après élu à l’Académie française et que Jacques De Decker avait souhaité interviewer lui-même), Gérard de Cortanze (écrivain et directeur de la collection « biographies » au format de poche chez Gallimard, collection où figurent deux ouvrages de Jacques De Decker, Ibsen et Wagner), Yann Kerlau, Didier Decoin. Il était aussi attentif à suivre les rencontres qui avaient lieu en dehors du Palais des Académies, comme celle avec Svetlana Alexéiévitch, au Parlement européen, ou avec Amin Maalouf, dans un amphithéâtre de la l’université flamande de Bruxelles (VUB).

Le centre belge francophone de PEN International rendra hommage à la personnalité hors-norme de Jacques De Decker lors d’une rencontre dont nous avions évoqué la perspective et la thématique il y a quelques semaines : Liberté d’expression et la littérature comme instrument de compréhension du monde.

Ce n’est qu’un des moyens d’honorer la mémoire d’un homme qui n’a eu de cesse de valoriser les œuvres et le travail des autres. Il nous reste à faire connaître ce qui, dans ses livres, ses articles, ses pièces de théâtre, est à jamais irremplaçable.

Sur internet un site est consacré à l’œuvre et à la biographie de Jacques De Decker

PEN Belgique présente ses condoléances à son épouse Claudia Ritter, sa fille Irina De Decker et ses petits-enfants Hugo et Nicolas Matlet.

Jean Jauniaux

Ecrivain

Président de Pen Belgique

Rédacteur en chef de Marginales